mardi 13 octobre 2009

La musique chercherait-elle à nous convertir?


Londres, la Fabric un soir de l’hiver 2006, je suis sur le point d’assister au premier live européen du groupe parisien Justice et sautille frénétiquement devant l’entrée pour combattre le froid humide local et la surexcitation chronique. Plusieurs semaines que j’attends ce moment, mais cela en valait la peine. Immergé dans le noir et la fumée de cigarettes encore autorisée à l’époque, Busy P le patron du label Edbanger tente de calmer l’impatience du public à coup de beats secs et surpuissants, on trépigne de bonheur.

    Voilà que la musique se coupe, l’effet de surprise est total, alors qu’un drap noir semblait servir de mur délimitant l’espace, le rideau tombe et dévoile une scène surréaliste aux allures de vaisseau « episco spatial », une immense croix catholique lumineuse inonde et aveugle la foule agglutinée. Les deux français orchestrent enfin leur opéra électronique avec en ouverture le titre « genesis », nouveau clin d’œil biblique parti intégrante de l’univers du duo. Le résultat, un requiem futuriste, hypnotisant, chargé de mélodies évocatrices et d’innovations sonores, JUSTICE s’impose indéniablement comme le groupe le plus inspiré de la nouvelle « French Touch ». Tout est là, ambiance mystique, public conquit corps et âme et musique transcendante, je sors du club quelques heures plus tard, le corps allégé de quelques kilos d’eau et alourdi par des heures de danse frénétique, réalisant au fur et à mesure que l'acouphène s'estompe, la portée avant gardiste du spectacle auquel je viens d'assister.

   Alors qu’il y a à peine quelques années, la reprise du symbole de la croix chrétienne aurait probablement été considérée comme une attaque ringarde à la laïcité de notre époque, voilà que l’effet est aussi improbable qu'efficace : originalité et provocation mené de main de maitre remportant l’approbation de tous, voilà un retour inopiné de la religion dans la musique marquant la fin d’une ère. L’ère des icônes des années 70 à 90 avaient marqué la rupture avec les valeurs sacrées de la musique. Les Doors, les Rolling Stones, Les Beatles, Bob Dylan, Elvis Prestley, Ray Charles, autant d’artistes ayant influencé de façon majeure leur genre musical et qui resteraient sans voix devant ce retournement de situation. Pourquoi ce retour aux fondements même de la musique ? L’émergence du numérique, d’Internet et la crise de l’industrie du disque qui en découle sont ils responsables de cette régression ? Le phénomène Justice n’est pas un cas isolé, de plus en plus d’initiatives de ce genre sont prises par des artistes de tous bords, des revendications de l’Islam à travers le hip hop (Sheryo, kery James), en passant par les albums évangéliste « Dodécalogue » signé Rob (cf article du 24 sept) du très branché label Institube (TTC), jusqu’à la tendance du rock chrétien fraichement importée des Etats-Unis, l’industrie de la musique n’a jamais été aussi pieuse. Pour quelle finalité ? La quête de buzz sur Internet, un retour à des valeurs profondément encrées dans notre société ? Il y a surement un peu de vrai dans toutes ces hypothèses, une chose est sure, cela n’en demeure pas moins une véritable stratégie marketing permettant aux maisons de disques d’atteindre un public plus vaste avec comme seul point commun un aspect fondamental ayant survécu à la mondialisation, principale facteur d’érosion du sentiment d’appartenance à une communauté géographique : La religion.

NK

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